Je me suis longtemps refusée à demander de l’aide, sans pour autant avoir conscience de cette attitude.
Je me rappelle d’un événement qui a marqué le début de mon parcours professionnel. Je réalisais mon stage de master 2 dans une société de lingerie.
À peine arrivée dans la structure, la directrice marketing m’a confiée une tâche qui, avec du recul, pouvait être perçue comme l’atteinte du sommet d’une montagne pour un jeune randonneur, non préparé et non outillé.
Je devais présenter une collection espagnole de maillots aux équipes commerciales françaises, collection d’une 100 aine de modèles, dont les descriptifs étaient écrits en espagnol.
Je démarrais cette mission avec au moins trois difficultés :
- Je connaissais peu le monde de la lingerie et l’aspect technique des pièces,
- Je n’avais pas de connaissance professionnelle sur les maillots,
- L’espagnol était une langue apprise à l’école, sans plus.
A ce moment-là, mon enjeu était important : en dernière année d’études, ce stage pouvait me permettre de décrocher mon premier job dans un univers qui me passionnait.
J’étais, à l’époque, dotée de ma motivation à bien faire, de mon envie de montrer que je savais faire, de ma persévérance, de ma capacité de travail, de mon implication, de mes facultés cognitives et de ma passion pour le domaine.
Mais, il me manquait tout le reste… Bien que je passais mes soirées à travailler, seule dans les locaux, je ne m’en sortais pas. L’échéance approchait, je m’entêtais à travailler seule… et à m’épuiser physiquement et psychologiquement.
Deux jours avant le séminaire de présentation, le directeur commercial m’a demandé où j’en étais sur la mission. Le constat était sans appel : j’avais traduit des centaines de mots, de phrases… mais j’étais loin d’avoir créé un document synthétique et vendeur. Ensemble, nous avons continué à travailler et à être prêts pour le jour J.
L’éventuelle proposition d’embauche et les missions intéressantes, c’était raté pour moi. Et, bonjour, les fâcheries et autres relations dysfonctionnelles avec la directrice marketing, qui avait peu apprécié le regard que le directeur commercial avait porté sur elle.
Cette expérience m’a beaucoup appris, mais probablement bien plus tard, car j’ai vécu d’autres exemples similaires. J’en prends, encore plus, toute la consistance aujourd’hui en rédigeant cet article.
Qu’est-ce qui m’a empêché de demander de l’aide ?
Peut-être mon Ego qui voulait se montrer fort ? Etais-je dans la croyance qu’en me montrant vulnérable, je paraissais faible, laxiste ou incompétente ?
Comme l’indiquent Christophe André, psychiatre et psychothérapeute, et Rebecca Shankland, psychologue, dans leur livre « Ces liens qui nous font vivre », aux éditions Odile Jacob : « Demander de l’aide peut être interprété comme un signe d’incompétence ou encore une forme de paresse ». Ils ajoutent, « au-delà de ces jugements sur soi, ce serait un signe de faiblesse ou d’asservissement ».
Comme l’indique mon exemple, refuser de demander de l’aide a eu plusieurs prix à payer : celui de l’épuisement, d’un jugement négatif sur soi et probablement, d’une perception erronée de mes capacités, nourrissant, à l’époque, mon manque de confiance en soi.
Aujourd’hui, je suis dans un processus inversé. Ayant acquis cette confiance en soi, je n’ai plus peur de montrer que je ne maitrise pas ou, simplement, montrer mes vulnérabilités. Ayant trouvé mes excellences, j’apprends à déléguer et à m’appuyer sur d’autres, que j’estime meilleurs, sur des projets et des actions.
Qu’est-ce que j’ai gagné en adoptant ce comportement d’ouverture ?
J’ai gagné :
- le travail en réseau et la proximité relationnelle,
- la réciprocité,
- du temps sur la réalisation de mes missions,
- la puissance,
- la performance
Et sûrement, le plus important, j’ai acquis :
- la sérénité,
- du lâcher prise,
- de la bienveillance vis-à-vis de moi et de mon entourage,
- de l’équilibre,
- de la congruence, etc.
Au regard des gains obtenus, est-il possible de conclure que demander de l’aide à autrui est une façon de prendre soin de soi et de maintenir notre énergie ?
De l’indépendance et l’individualisme – je n’ai besoin de personne, je me suis orientée vers l’interdépendance, telle « une toile d’araignée dont chaque fil a une importance cruciale pour supporter le poids de l’araignée ».
« La meilleure manière de s’épanouir, c’est d’accepter notre interdépendance au lieu de chercher à lutter contre elle ».
Robert Bornstein, psychologue et chercheur spécialiste de la dépendance
L’interdépendance est une autre façon de décrire « la dépendance interpersonnelle saine », poursuivent Christophe André et Rebecca Shankland. « Une de ses caractéristiques est le fait d’oser demander de l’aide sans que cela entraîne un sentiment d’incapacité à faire face à la situation ».
« Accepter des interactions de dépendance dite « saine » permet de développer un attachement à autrui sans se sentir fragilisé par ce lien ou, encore, d’accorder sa confiance à l’autre sans perdre pied lorsque des conflits émergent ».
Christophe André et Rebecca Shankland
Changer notre représentation de la demande de l’aide facilite l’équilibre entre le soutien que notre entourage peut nous apporter dans des situations difficiles et la confiance en soi.
Ainsi, en modifiant notre regard sur la dépendance à l’autre, nous changeons notre rapport à nous-mêmes et aux autres.
Cette nouvelle posture me permet de me sentir libre de tous jugements, plus grande grâce à la prise de hauteur à laquelle j’ai accès et plus forte grâce aux relations riches et authentiques que cela génère.
Dans les entreprises, quelque soit le poste et la fonction occupés, il arrive d’identifier les personnes qui cultivent la dépendance à l’autre, l’indépendance et l’interdépendance.